Dix constats sur les taxis de la ville de Yaoundé

Dix constats sur les taxis de la ville de Yaoundé

          Au quotidien, ces petits véhicules jaunes  qui pullulent dans la cité capitale  nous aident si bien pour nos différents déplacements, seulement il y’a des petits constats qui font aussi bien la particularité des chauffeurs que des véhicules même. Plongeons dans cet univers en dix points.

1- “Pardon ouvre la portière dehors !”

Si vous empruntez constamment les taxis dans la ville de Yaoundé, il y’a forcément une chance qu’un chauffeur vous ait déjà envoyez cette réplique une fois que vous êtes à l’intérieur.

Le client : On ouvre la portière-ci comment ?

Le  Chauffeur : Pardon ouvre ‘par’  dehors.

          Une réponse qui illustre bien souvent de l’état de vétusté avancé de certains véhicules. Un poignet cassé qui peut trouver réparation dans un garage à un moindre frais devient ainsi une occasion de faire croire que l’on ne veut pas avancer. Quand bien même vous n’arriver pas à ouvrir de l’extérieur, le taximan ne se gêne pas de se bousculer de son siège et d’ouvrir pour vous. Manœuvre qu’il fera avec tout le monde. Joignons à ce cas les vitres des portières, quand le taxi ne possède qu’une seule manivelle. ‘La vitre-là ne monte plus bien, attends je viens monter !’

2- La mal bouche doublée d’impolitesse des chauffeurs.

          Attention, langage trivial à venir car, ces usagers de la route n’ont pas le verbe tendre avec qui que ce soit, collègues, policiers, piétons, autres chauffeurs…

La cliente : “Hep,taxi ! Cent dans cinq cent carrefour !”

Chauffeur 1 : “ N’est-ce pas c’est le taaarsi de ta mère ? Chouagne”

Chauffeur 2 : “ C’est les urines que je mets dans le moteur noon…jusqu’à elle dit ‘chan francs carrefour. Cotises-tu achètes ta part moi-même j’entre”

Chauffeur 3 : “Achètes la canne à sucre tu suces en marchant, tu vas arriver. Elle ressemble même à 100 Francs-là”.

          Quand c’est un léger accident ou un collègue taximan qui force le passage au risque de ‘gratter sa peinture’, le langage est des plus cru. Entre l’expression « Tu ne voyais pas la voiture ? », « Retire-moi ton crédit-là en route je passe », « Dis-donc enlève le bois devant moi », les mots vont dans tous les sens. On a parfois l’impression qu’après avoir obtenu le permis de conduire et la capacité (précieux document qui atteste de la capacité du chauffeur à faire le métier de taximan), les conducteurs passent d’abord par des écoles de la rue pour apprendre le langage ordurier. Remarque de dernière minute…rarement vous verrez un taximan vouvoyer un client, allez savoir pourquoi. Les seuls gars qui peuvent te mélanger le vouvoiement et le tutoiement dans une seule phrase.

« Mon frère quand VOUS roulez dans la ville de Yaoundé, les embouteillages et les trous partout, je TE dis que quand le grand-père là va partir, les choses vont changer. ».

 

3- Les messages écrits sur les taxis

          En école doctorale à l’université, un professeur nous a bien fait  marrer un jour en nous disant que nous pouvions nous inspirer des messages écrits sur les taxis pour en faire un thème pour nos mémoires ou nos doctorats. Nous en avons ri à cette époque là mais des années plus tard je suis fort aise de lui donner entièrement raison. Les passages bibliques, les citations, les pensées et autres extraits qui sont sur nos petits véhicules jaunes renseignent sur beaucoup de choses. Au travers de ceux-ci, on peut connaitre la personnalité du chauffeur ou du propriétaire de la voiture, son appartenance religieuse, ses convictions scientifiques…Hormis les fautes de grammaire ou d’orthographe qui sont à attribuer soit aux sérigraphes (les lecteurs sérigraphes et infographes, je vous fais de la pub, ne vous fâchez pas !), soit aux taximens, le fond de chaque message a une connotation.

« Ne devenez pas ceux que vous critiquez !», « Mouf ta maman », « Le petit Wadjo », « Tchotcho de la capitale », « Merci maman ! »…

4- Les rapports de dupes avec les agents de la circulation

          Ce n’est sans doute pas un secret, les taximens et les policiers en charge de la circulation ne s’entendent pas du tout. S’ils se jettent le sourire lorsqu’ils se croisent, c’est pour mieux se regarder en chiens de faïences quand ils sont au loin. Chacun des deux se jouant de l’autre quand il en a l’occasion.

     Une histoire que j’ai vécue un jour à bord d’un taxi m’a subjuguée. Un taximan est interpellé par deux agents de police au niveau d’un carrefour très couru parce qu’il avait pris un client avant l’arrêt taxi. Le chauffeur s’est défendu en disant qu’il esquivait une grande marre d’eau qui était sur la chaussée et ne voulait pas éclabousser les passants. Les policiers ont récupéré les dossiers de son véhicule. Le monsieur, tout mécontent, a garé sur le côté, tiré un billet de deux mille Francs Cfa de sa boîte à gangs avant de sortir de son véhicule. Deux minutes plus tard après avoir discuté avec les policiers, il revient tout joyeux avec un billet de mille Francs Cfa qu’il s’empresse de remettre dans sa caisse. Surpris de son état d’esprit qui contraste avec celui d’il y’a un instant, nous autre passager nous sommes empressés de lui demander ce qui le faisait sourire.

- Ils ont cru qu’ils étaient malins non !? Je leur ai remis un faux billet de deux mille qu’on m’a lavé avec la semaine passée (entendez ici qu’on m’a trompé avec). Comme c’était kolo, ils n’ont pas trop discuté pour me remettre un bon billet de mille Francs en guise de monnaie.

- Achouka !! Réponse en chœur des autres passagers dans un éclat de rire.

C’est à ce moment que j’ai remis mes écouteurs. Ainsi va la république ! Jeu de dupe. Seule règle ici, le premier qui trompe l’autre à gagner.

 

5- L’apparence des chauffeurs de taxi

Dans un taxi un jour, j’ai demandé au chauffeur s’il allait remettre le véhicule à quelqu’un d’autre avant de continuer au bureau. En fait, le monsieur était tellement bien vêtu. Veste trois pièces, cravate, chemise rose assortie au chapeau…il y’avait de quoi faire pâlir les sapologues. Il m’a répondu d’un sérieux déconcertant : « Mon fils, ici c’est mon bureau. Quand vous allez voir les ministres dans leurs bureaux ils sont en veste, moi aussi, je suis ministre dans mon taxi ». J’en fut ébahi et c’est sans doute l’une des rares fois où j’ai vu une personne de ce corps de métier montrer autant de passion dans ce qu’il fait.

La plupart des temps, le chauffeur a un vieux t-shirt râpé, une casquette délavée et un pantalon qui a parcouru toutes les saletés des marchés le grand matin. Quand l’intérieur du taxi ne sent pas une odeur de poisson pourri, il y’a des fois de fortes chances que le karscher d’une laverie n’ait pas visité les recoins de ce derniers.

6- Les voisins qui veulent ou pas faire la conversation

          Il y’a un petit rituel que l’on adopte chaque fois à notre entrée dans un taxi. Le petit ‘bonjour’ ou ‘bonsoir’ que l’on envoie à l’endroit des gens qui nous ont précédé. Et c’est à ce moment qu’il y’a des voisins difficiles à cerner. Ceux qui répondent au bonsoir avec joie et ceux qui ne disent jamais mot. Le comble c’est quand cette personne juste à côté de vous, qui ne vous a pas donné le moindre mot en retour de votre salutation plus tôt, en vient à somnoler dans un long embouteillage et à s’adosser sur vos épaules. Bien évidemment à chacun son humeur quand il monte à bord d’un taxi. Il y’aura toujours ce voisin qui en sait trop sur tout et qui durant le trajet veut pousser à la conversation. Il y’aura ce gars de très mauvaise humeur qui cherche sur  qui se défouler. Il y’aura ce bonhomme qui se terre dans son silence et ne rit même pas aux blagues. Son rire il le fera une fois chez lui. Il y’aura toujours cette personne qui commence une belle histoire, passionnante comme tout, mais vous n’entendrez jamais la fin soit parce qu’elle est sortie avant vous, soit l’inverse.

 

7- Le propriétaire et l’employé

         Le premier n’a de compte à rendre qu’à lui-même, le second doit verser une recette de dix mille Francs Cfa au moins chaque jour. Et il faut le dire, cette différence aussi innocente qu’elle soit, conditionne –pour certains- la manière de rouler. Celui qui a une recette à donner en soirée, vous le verrez rouler de façon plus agressive, n’en soyez pas surpris. Il est le plus pressé en route. C’est lui qui surcharge la voiture tant avec les passagers qu’avec les marchandises dans la malle-arrière. Il est aussi celui qui ‘casse’ plus vite la voiture car elle ne lui appartient pas.

          Le propriétaire est méticuleux. Il roule plus prudemment (surtout quand la voiture est “tchaléh” entendez par là neuve), il préfère se laisser doubler plutôt que de voir une rayure sur sa voiture. Il est pressé d’aller vidanger chaque week-end, il entretient son moteur et n’est pas tenu de faire le plein du véhicule. Bref, il fait comme il veut, c’est sa chose, il gère à son bon vouloir.

 

8- L’agresseur

          Il faut bien qu’il y ait de tout dans un corps de métier : les bons et les moins bons, les gentils et les mauvais. Le taxi dans lequel on doit t’agresser n’est bien souvent pas celui que tu soupçonnes. Les commerçantes qui vont au marché à trois heures pour attendre les vivres et desservir nos foyers en savent quelque chose.

          Dans ce taxi, vous n’aurez rien qui vous prouve en avance que vous serez agressé et délesté de ce que vous avez en votre possession. On a cru avant que, un homme dans un taxi avec des dreadlocks, des cheveux mal peignés, un look peu soigné est synonyme de voleur. Que non ! Un chanteur à son époque a dit “chacun à son look”. Donc, ils sont parfois trois complices. Le chauffeur, un passager assis au siège avant, qui vous ceinturera ou vous menacera avec une arme et un autre derrière qui vous soulagera de vos biens. Les trois vous abandonnerons à votre désespoir dans un quartier loin de celui que vous avez indiqué, avant de prendre la fuite. Dans un autre cas de figure, c’est une femme qui est dans le taxi pour donner confiance aux clients. Sans être taxé de sexisme à l’égard de la gente féminine, généralement, la candeur du visage féminin peut faire ployer les rocs. C’est de cette même manière que ce visage inspire confiance parfois et en entrant à bord d’un véhicule, on se fait abuser.

 

9- Le taximan-scientifique-toutologue-journaliste-analyste-spécialiste

Vous le reconnaîtrez facilement. Il est toujours connecté à son transistor, son lecteur auto ne capte que les matinales radiophoniques de toute la cité capitale et du monde entier. Sur toutes les stations radios, à longueur de journée, il amasse une bonne quantité d’informations venues de tous horizons. Je crains parfois qu’il réfléchisse de lui-même. Ces arguments et ces mots sont ceux des panélistes et intervenants des émissions qu’il écoute à longueur de journée.

          Dans son taxi, c’est lui qui est le capitaine. Il serait capable de vous demander de descendre si vous êtes contre ses idées, de même qu’il peut vous dispenser de la paie si vous êtes avec  lui. Il est le présentateur, il donne le thème au gré de l’émission qui passe et modère les échanges dans son taxi. Il est l’analyste, il est l’historien, il est monsieur-je-sais-tout. La rumeur court qu’il fut une époque des espions se cachaient sous la profession de taximan pour écouter le bas peuple et rapporter les dires en haut lieu. Une situation qui a fait de telle sorte que quand un débat est lancé dans un taxi afin de rompre le silence monotone et les « tut-tut » des klaxons beaucoup de passagers ont peur de donne leur avis.

 

10- Le taxi-rose

         Rassurez-vous, ce taxi est toujours de couleur  jaune. C’est ce qui se passe à l’intérieur qui en donne une teinte rosace. A la tombée de la nuit, dans les recoins sombres des artères de la ville, vous verrez ce genre de taxi. Toutes lumières éteintes, le chauffeur généralement jeune, est à l’intérieur du taxi avec une personne de la gente féminine. Si la conversation à l’intérieur peuvent rappeler les scènes de la série des années 90, ‘Melrose Place’, pour sûr ce qui s’y passe ne donne qu’envie de ne pas emprunter ce taxi.

          Le taxi-rose est aussi ce taxi qui transporte à son bord en toute urgence, une dame enceinte. Faute de route, cette dernière en arrive à accoucher sur la route de l’hôpital, dans les embouteillages, pas ceux causés par les manques de routes, mais ceux causés par la présence de nids de poule à chaque portion de la chaussée. Beau taxi rose qui une fois à l’hôpital repart toujours sous les youyous et chants de joie des personnes présentes. La rumeur dit que ce genre de taxi est béni, en fait celui qui le conduit.

     Chers lecteur-trice-s, de toutes ces remarques, laquelle vous a le plus parlé ? Y’ a-t-il un autre constat que vous aurez fait à votre niveau ? Dites-le en commentaire. N’oubliez pas de partager l'article et de vous inscrire à la newslettter (si ce n’est déjà fait) juste après la lecture pour recevoir les nouveaux billets en premier et en exclu par mail avant publication.

 

Christian-Williams Kakoua (#WebTrotter)

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Great piece William. Thanks
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L
Merci bien frère sa nous fais vivre et nous donne une histoire un passe même si pour nous les camerounais on est habitué il convient de noter cella sur une tribune afin de changer d'évoluer vers des horizons meilleurs Big up à toi thanks
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C
Merci de la lecture et du partage le Azem
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